Actualités  |  Mardi 1er mars 2011

Une pénurie menaçante

Certaines régions ont connu de fortes hausses du prix des logements mis en vente (PPE ou villas) ces dernières années, en particulier sur l'arc lémanique, à Zurich et dans les stations alpines les plus prisées. Cette situation peut comporter des risques pour le marché immobilier. Mais de nombreux éléments laissent penser qu'il n'y a pas de risque d'explosion d'une bulle immobilière dans notre pays. En revanche, la pénurie de logements, qui contribue à la hausse des prix, a des conséquences de plus en plus inquiétantes. Elle devrait conduire – enfin! – les autorités politiques à revoir les conditions trop restrictives qui encadrent la mise à disposition de nouveaux logements.

Aujourd'hui, l'explosion d'une bulle immobilière n'est pas une réelle menace pour la Suisse. Il y a plusieurs raisons à cela. 1. Le mouvement de hausse des prix s'est affaibli en 2010 et cette tendance devrait se maintenir en 2011 selon les instituts bancaires. 2. La hausse est très variable selon les régions. Elle est essentiellement due à la demande dans les régions à forte croissance économique et démographique. 3. Les taux d'intérêt hypothécaire sont historiquement bas et de très nombreuses hypothèques ont été conclues à des taux fixes. Même si le taux hypothécaire prenait subitement l'ascenseur, cette hausse ne provoquerait pas un choc brutal capable de provoquer une explosion.

En revanche, la pénurie de logements est de plus en plus inquiétante dans les régions à fort développement. Non seulement cette pénurie contribue à la hausse des prix, mais elle a d'autres conséquences négatives.

Ne trouvant pas de logements près de leur emploi, sinon à des prix que leur revenu ne permet pas d'assumer, les Suisses sont de plus en plus nombreux à chercher domicile loin de leur travail. Même si les distances et le temps consacré à ces déplacements restent en moyenne largement inférieurs à ce que l'on connaît dans les grandes métropoles étrangères, l'augmentation massive des pendulaires est en train de saturer nos infrastructures de transport. Aux heures de pointe, il devient difficile de prétendre que le rail et la route répondent encore à la qualité de vie vantée dans nos dépliants de promotion économique ou touristique.

Même les médias étrangers commencent à en parler. Dans son numéro du 17 février dernier, l'hebdomadaire français Le Point a consacré une enquête à l'exode frontalier de la population genevoise à la recherche d'un toit. Le problème est là: on ne construit pas assez de logements dans les régions à forte densité d'emplois. Pourquoi? Parce que le système est bloqué par trop de règles et de procédures, un véritable labyrinthe qui fait augmenter les coûts et finit par décourager les promoteurs.

Partout, les projets provoquent une pluie de recours qui sont trop lentement traités. Dans les cantons de Vaud et de Genève, on ne veut pas supprimer certaines lois sous prétexte de protéger les locataires, alors que ces dispositions freinent la mise à disposition de nouveaux logements. C'est le cas, notamment, de la loi concernant la démolition, la transformation et la rénovation d'immeubles (LDTR).

Mais surtout les règlements d'urbanisme sont obsolètes. Alors que le terrain manque et manquera toujours plus, alors que la protection de la nature et de l'environnement devrait nous conduire à densifier considérablement les zones constructibles, on continue de gaspiller d'immenses surfaces pour des immeubles de logements et des bâtiments commerciaux ou de service de quelques étages seulement. C'est un non-sens total. Certes, il y a bien quelques tours qui se construisent ici et là. Mais ce sont des objets de prestige, souvent uniques, qui ne relèvent pas de l'aménagement du territoire. Ce qu'il faut, c'est pouvoir surélever les immeubles dans les villes et construire en hauteur en dehors des centres historiques. C'est le moment d'en prendre conscience et de prendre des mesures avant que notre impéritie paralyse nos transports et transforme notre pays en "machin" complètement mité.

Olivier Feller

Article publié dans le Journal des arts et métiers, mars 2011